Le son du dessin

La visualisation des sons et de la musique a depuis longtemps intéressé les musiciens et les artistes visuels. L’évolution de la transcription musicale n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la relation constante entre les deux moyens d’expression. On pourra dire que la transcription musicale a plus à voir avec l’écriture que le dessin. La représentation graphique des ondes sonores semblent en effet plus directes. Je n’ai toutefois jamais vu ou entendu un musicien ce servir d’images d’ondes sonores comme partitions.

En illustration, prenons un personnage qui crie ou une trompette qui sonne, on a l’habitude de voir des lignes comme si elles sortaient de la bouche ou de l’instrument. L’illustrateur ajoutera parfois une onomatopée, pour préciser davantage le son à imaginer en regardant l’image. Une autre façon de visualiser la voix qui nous est familière, sont les bulles de dialogue utilisées en bande dessinée. Les dessinateurs déclinent selon leur créativité et intentions narratives, les trois bulles de base pour la pensée, la parole et le cri.

Avec l’apparition du cinéma et de la vidéo, ainsi que de l’enregistrement sonore, l’image et le son se sont rapprochés au point qu’on en oublie parfois leur autonomie propre, du moins du point de vue du consommateur. Évidemment, le cinéma et la vidéo se préoccupent essentiellement du mouvement de l’image, et les artistes ont de tout temps exploré sont rapport au son et à la musique.

L’un d’eux est Danny Clay, qui fait éclater les codes dans la transcription musicale avec des partitions faites de dessins originaux dont il se sert pour composer. Son processus passe ainsi du son au dessin puis à la musique.

D’autres artistes tel le duo Heike Liss et Fred Frith se sont engagés à amalgamer son et image. C’est dans des performances devant public qu’ils font émerger une œuvre unique et spontanée. Ici, la partition musicale est absente. Mais la simultanéité n’est qu’apparente car c’est l’improvisation musicale qui guide le rendu visuel. Il s’agit donc dans leur cas d’un simple processus du son à l’image.

Une création simultanée de sons et d’images est aujourd’hui possible avec des moyens sophistiqués d’appareils et de programmes numériques. Deux créateurs prolifiques en la matière sont Benjamin Heim et Benoît Montigné. Le premier est compositeur et artiste audiovisuel. Il conçoit ses œuvres individuellement ou en collaboration sur des projets de grande envergure. Dans son cas, bien que l’image en mouvement se développe en même temps que le son, c’est le son qui, pour ainsi dire, donne le ton. Pour sa part, Montigné se décrit comme designer numérique, docteur en sciences de l’art et enseignant. La plateforme en ligne audiographic lab est une de ces nombreuses réalisations. On y trouve son programme musigraphicode pour jeune public. Ici, le mouvement et l’élaboration visuelle génère simultanément l’image et le son.

Dans tous ces exemples, la transcription visuelle du son semble l’enjeu principal dans le rapport son/image. On dirait que c’est seulement dans le cas du cinéma et de la vidéo que les artistes se préoccupent de savoir le son qui « provient » de l’image. On parle ici d’images en mouvement. Mais quand est-il de l’image fixe? Est-elle condamnée au silence? Les seuls sons directement associés à l’image fixe sont ceux provenant des mouvements effectués durant sa réalisation, avant qu’elle fige, ou ceux du regard de l’observateur sur elle, durant toute son existence.

Heureusement, les artistes sont toujours en quête d’innovation. Certains explorent la sonorité du mouvement, pendant qu’il créent des images destinées à rester figée sous le regard. Anna Ridler est de ces artistes. Elle utilise des outils et techniques traditionnels de dessin, qu’elle associe à des dispositifs audionumériques actuels pour créer ses œuvres. On peut parler de performance, mais ici le son et l’image émergent en simultané avec comme finalité l’image fixe.

Un dernier mot pour conclure, sur un outil en ligne qui permet de produire images et sons à l’écran sans même le toucher. En partenariat avec CreatAbility Inc., Google présente le Sound Canva. Essayez-le. Des tutoriels sont aussi disponibles.

Ci-dessous, Gaston, personnage d’André Franquin, signe des documents importants avec un marteau piqueur assourdissant.

Gaston. Encre sur papier, par Léo Beaulieu, c1974. Source: CDIC-CIDE.

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