Anthropomorphisme

Le sujet est vaste et d’une grande complexité, aussi vieux que le pouvoir narratif lui-même, dans les civilisations actuelles et anciennes. On n’a qu’à jeter un coup d’œil aux avatars des gamers, ou aux mascottes de nos équipes sportives, pour constater à quel point cette capacité que nous avons d’assigner des qualités ou traits humains à des animaux, des plantes ou des objets s’imprègne partout. On retrouve l’anthropomorphisme dans à peu près toutes les formes artistiques.

Un court article sur un blog ne peut s’étendre sur les multiples ramifications du phénomène. L’intention ici est de mettre en évidence le fait que de plus en plus de chercheurs de domaines variés remettent en question la façon dont les transmetteurs d’histoires utilisent l’anthropomorphisme. Parents, écrivains, illustrateurs, dramaturges, et même porteurs de discours religieux, soyez donc à l’écoute, car des critiques littéraires, des écologistes, des chercheurs en cognition ou en sociologie sont d’avis qu’il y a un côté obscure à l’anthropomorphisme, que le côté amusant risque de nous cacher.

Mais, commençons par ce bon côté qui nous fait souvent sourire, et surtout communiquer.

Les travaux de la psychologue Gabrielle Airenti, professeure à l’Université de Turin, ont été amplement cités. Dans un de ces nombreux articles, Aux origines de l’anthropomorphisme (Gradhiva, No.15, 2012), elle nous informe que « l’enfant ne confond pas la vie réelle et la situation imaginaire, et il peut passer de l’une à l’autre sans difficulté. Comme le remarquait Karl Bühler, un enfant peut jeter au feu un bout de bois qu’il traitait jusque-là comme un bébé. Dans le jeu de fiction, il expérimente des relations, explore des sentiments, des émotions, des états mentaux. L’enfant qui fait semblant de prendre le bout de bois pour un bébé parle avec lui comme il s’imagine qu’une mère le ferait. Dans ce cas précis, traiter un objet comme s’il s’agissait d’une personne est un exercice qui permet à l’enfant d’affiner ses capacités de compréhension de soi-même et des autres. »

Avec le temps, on devient tous d’agiles « anthropomorphistes » à l’âge adulte. Comédiens, parents et enseignants savent à quel point les personnages anthropomorphes peuvent efficacement capter l’attention des enfants, et les enthousiasmer. Prenons par exemple une activité créée par Creative Exchange, une collaboration entre l’England Arts Council et l’Université de Durham (Royaume Uni) : How to use anthropomorphism to release children’s creativity. On y met l’anthropomorphisme à contribution, pour stimuler non seulement l’imaginaire, mais aussi l’esprit de collaboration. Comme on peut le deviner, la grande majorité des ressources d’une bibliothèque scolaire inclus des images anthropomorphes.

Pourtant, malgré son aspect socialisant et émotionnellement utile, le phénomène ne fait plus l’unanimité. Ils sont plusieurs à vouloir mettre en garde contre ce qui selon eux peut tantôt nuire à l’apprentissage, voire même perpétuer des attitudes antisociales.

On a trouvé de tels avertissements dans le catalogue de l’exposition fort captivante : Animals Are Us: Anthropomorphism in Children’s Literature; Celebrating  the Peter Solomon Collection. L’exposition a été présentée en 2021 à la Houghton Library (Cambridge). Le catalogue édité entre autres par Thomas Hyry, offre un beau moment de lecteur, et comprend de formidables illustrations. Quatre des collaborateurs sont derrière le chapitre qui nous est à propos : The Pitfalls and Potential of Anthropomorphism in children Literature. Ils y avancent que la pratique perpétue le plus souvent des stéréotypes, en plus de souffrir un manque de diversité dans les sujets et les groupes représentés. Il semblerait donc que nous ne pouvons nous empêcher de projeter autant nos biais inconscients que nos intentions narratives, si nobles qu’elles puissent être. Les auteurs sonnent l’alarme et jugent qu’une conscientisation accrue est nécessaire pour améliorer la transmission des histoires sous quelque forme que ce soit. L’article se termine tout de même sur un ton optimiste. Les auteurs sont confiants qu’à mesure que les experts de l’enfance, en psychologie, et en littérature améliorent leur compréhension du jeune lecteur, la littérature jeunesse, les histoires avec leurs personnages qu’on leur propose seront mieux adaptées, et feront preuve d’une plus grande sensibilité éthique.

Une autre spécialiste, en éducation cette fois, s’est intéressée à l’impact que peuvent avoir les images anthropomorphe, sur l’habileté des enfants à discerner les éléments fictifs, des faits biologiques. Anne-Marie Dionne est professeure agrégée à l’université d’Ottawa. Elle a publié en 2020 son article L’anthropomorphisme des animaux dans les albums de littérature jeunesse (Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, Vol. 22, No. 2, Université de Sherbrooke). Elle nous informe en détails qu’il y a bien des niveaux d’anthropomorphisme, c’est–à-dire des représentations avec un rapport plus ou moins marqué à la réalité. Tout en ne perdant pas de vue l’avantage socio-émotionnel d’une narration usant de personnages anthropomorphes, elle aussi sonne l’alarme, mais cette fois pour parer à un possible effet neutralisant à l’apprentissage scientifique que pourrait apporter de tels personnages. « Les jeux de rôles parfois sensibles, tenus par des animaux et non pas par des humains, procurent aux enfants la distance intellectuelle et émotionnelle qui leur est nécessaire pour être réflexifs et critiques en regard de diverses problématiques, ce qui soutient leur développement socio-émotionnel. Mais, il n’en demeure pas moins que ces albums peuvent en même temps avoir de l’influence sur leur raisonnement biologique en induisant de fausses croyances scientifiques. » Elle ajoute plus loin que les albums « exempts d’éléments anthropomorphiques pourrait constituer un avantage en ce qui concerne la présentation de propriétés biologiques des animaux. » D’autres chercheurs ont par ailleurs souligné que les mammifères sont largement surreprésentés dans les personnages fictifs disponibles, et que l’environnement dans lequel on campe ces personnages va influencer la perception du niveau de réalisme dans la narration.

N’allez pas croire que les éducateurs, les psychologues et les critiques littéraires sont les seuls à s’intéresser au sujet. Des spécialistes en informatiques, et même en études religieuses sont aussi curieux d’apprendre comment les enfants réagissent face à l’anthropomorphisme et en font usage. Un livre absolument fascinant publié chez Springer présente plusieurs textes d’auteurs s’intéressant à la façon dont les enfants dessinent Dieu : When Children Draw Gods A Multicultural and Interdisciplinary Approach to Children’s Representations of Supernatural Agents. Images anthropomorphiques vous dites? Oui et non. Un chapitre par Gregory Dessart et Pierre-Yves Brandt présente une étude de cas réalisée en Suisse. Elle est d’autant plus originale que les auteurs s’intéressent à un ce qu’ils nomment un processus de dé-anthropomorphisation. Selon eux, les enfants avec un parcours d’éducation religieuse pourraient être moins portés à représenter Dieu sous des traits humains.

Songeant aux quelques textes cités plus haut, je trouve intéressant que des spécialistes soucieux d’enseignement biologique, ainsi que d’autres soucieux d’enseignement religieux souhaiteraient que les enfants soient moins influencés par l’anthropomorphisme, mais chacun pour des raisons différentes, les uns pour l’accès à la connaissance biologique, les autres pour des représentations du divin moins disons humanoïdes. Le pouvoir socio-émotionnel de l’anthropomorphisme est-il trop grand ou fallacieux? C’est une bonne question.

Vous voulez peut-être voir plus d’images anthropomorphes? Visitez ce court article par Meagan Jones, accompagné de nombreuses très belles images sur le site du Rockwell Center for American Visual Studies : Degrees of Humanity: Anthropomorphism and its development in children’s book illustration (2013).

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Grand (détail), comme dans Dieu est Grand. Par Léo, c1969. Source: CDIC-CIDE.

Le dessin: invitation au dialogue

Les dessins d’enfants sont la plupart du temps source de joie, et plus souvent qu’autrement feront naître un sourire chez l’adulte qui les rencontre. S’il est cependant une chose sur laquelle les experts semblent s’entendre, c’est que ces images ne devraient en aucun temps être prises la légère, particulièrement durant une conversation avec l’enfant. Alors que ce dernier se révèle candidement, il est de la responsabilité de chacun d’accueillir cette expression, en procurant un environnement sécuritaire et bienveillant.

Nous partageons la vidéo produite il y a quelques jours, dans le cadre des Rencontres philosophiques de Monaco, dans laquelle Roseline Davido, docteur en psychologie clinique et psychanalyse, ayant publié plusieurs ouvrages, et Colline Faure-Poirée, autrice de livre pour enfants, s’entretiennent avec le poète et artiste Damien MacDonald. Comme il se doit, on y aborde le lien essentiel entre le geste, l’image, l’affect et la parole.

Le dessin d’enfant. Par PhiloMonaco. Source: Youtube, 2022.

L’Association professionelle de psychologie et psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent (Paris) offre par ailleurs en rediffusion, un webinaire sur le sujet, réalisé en septembre 2020: Le dessin comme témoin du monde psychique de l’enfant : Anxiété et dépression.

L’art animalier… domestiqué

Pour bien des gens avec un animal domestique à la maison, faire ou faire faire son portrait en dessin ou en peinture, et l’accrocher fièrement au mur, sera une preuve d’affection de plus envers leur animal de compagnie. D’autres pourront plutôt se demander « Le portrait de sa bête? On en est rendu là? »

Que vous soyez d’un camp ou de l’autre, et peu importe la taille de votre famille, avec ou sans animal de compagnie, prenez un moment pour réfléchir à la place qu’on pu prendre ou non les animaux de compagnie dans votre vie. Il est vrai qu’à notre époque, les « parents » de petites bêtes adorables nourrissent surtout une grosse industrie. Par ailleurs, il est tout aussi vrai que les enjeux environnementaux nous ont amené à repenser notre rapport au royaume des animaux, donc celui avec nos animaux domestiques. Comme notre rapport à la nature évolue, de même notre perception de nous-mêmes et nos rapports sociaux.

Si les enjeux touchant les modes de vie, la vie familiale ou parentale vous captivent, nous avons trouvé pour vous l’article (en anglais) issu d’une étude scientifique foisonnante d’observations et de conclusions éclairantes sur l’attachement émotionnel des enfants envers les animaux de compagnie: « Spotlight on the psychological basis of childhood pet attachment and its implications ». Dans cet article, publié dans Psychology research and behavior management (vol. 12 469-479. 28 Juin. 2019), les cinq auteurs scrutent la notion attachement émotionnel. Alors qu’ils confirment les bienfaits pour un enfant et sa famille de prendre soins d’un animal, par exemple par les occasions d’apprentissage et les soins mutuels, les auteurs apportent un nouvel éclairage sur des facteurs clés, comme la taille de la famille et l’âge de l’enfant au moment d’intégrer un animal dans la vie domestique. Ils ne manquent pas de nous rappeler qu’avec l’attachement émotionnel peut aussi émerger la peur de l’abandon, et avec elle un trouble affectif potentiel.

Sur une note plus légère, il y a une pléthore d’artistes qui offrent de faire le portrait de votre animal. On en a retenu trois pour vous, qui nous plaisent partuculièrement: Zann Hemphill de PawsbyZann, Astrid Colton de PetPortraitsCanada, et Lisa Howarth de TheLonelyPixel. Google Arts & Culture offre aussi une application mobile pour faire votre propre art animalier, en humour. À plumes, à poils, ou tout en écailles… à vos crayons, à vos pinceaux!

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Pete the cat. Crayons sur paper. Par Sahana, 2020. Source: CDIC-CIDE.

Dessiner l’enfance abusée

Il y tout juste un an, la revue scientifique Frontiers in Psychology a publié un article révélateur par les chercheuses Limor Goldner, Rachel Lev-Wiesel et Bussakorn Binson: Perceptions of child abuse as manifested in drawings and narrations by children and adolescents. Leur étude ne manquera pas de captiver psychologues de la famille ou scolaires, les thérapeutes par l’art, ainsi que d’autres chercheurs dans ce domaine.

D’entrée de jeu, les autrices prennent soin de nous rappeler que « les abus envers les enfants sont rarement rapportés, malgré leur prévalence élevée sur la planète ». Les études comme celle-ci représentent des repères inestimables pour les cliniciens bien entendu, mais aussi pour que les parents et les citoyens soient mieux équipés pour reconnaître les signes d’abus envers les enfants et accroître prévention et intervention.

Il ne s’agit pas ici d’une étude à grande échelle, alors que 97 enfants israéliens agés de 6 à 17 ans y ont participé. Les chercheuses ont pris soin de recueillir et d’analyser les descriptions qui accompagnent les dessins. Elles se sont aussi penchées à la fois sur les perceptions d’abus émotionnels ou psychologiques. De plus on y mentionne les différences parfois marquées, entre les perceptions des enfants et celles des parents à l’égard non seulement de la sévérité d’un abus, mais de sa nature même.

Les résultats deviennent des plus intéressants avec la description des effets de dissociation émotive observés sur les dessins. Cette « distanciation » par rapport au sujet ou à la tâche à réaliser, se retouve parfois dans la dissonance entre l’image et sa narration, ou alors allant aussi loin que le refus de respecter la consigne. Cette dissociation émotionnelle peut ainsi aboutir à un dessin aux couleurs vives, sans aucun élément négatif apparent. C’est dire qu’un dessin en toute apparence empreint d’innocence, peut en fait camoufler des sentiments difficiles à exprimer ou se présenter comme un mécanisme de défense. C’est un rappel que l’acte même de dessiner est un déclencheur émotionnel puissant. La place importante de ce macanisme de dissociation dans les résulats de cette étude porte à la réflexion.

Perceptions of child abuse as manifested in drawings and narratives by children and adolescents. An example of drawing and narrative of parent-child abuse drawn by a child.  ©2021 Goldner, Lev-Wiesel and Binson. Source: Frontiers in Psychology, 13 February 2022.

Du côté des ados

Si on en juge par le volume d’articles scientifiques et non-scietifiques sur l’analyse des dessins d’enfants, il est facile de penser que les thérapeutes analysent principalement les dessins de jeunes enfants dans le cadre de leur travail avec eux et leur familles. On peut aussi facilement avancer qu’en général, les adolescents dessinent moins que les jeunes enfants. Ceci pour toutes sortes de raisons sur lesquelles nous n’élaborerons pas ici. Nous abordons plutôt, et qu’en surface disons-le, l’utilisation du dessin en psychothérapie dans le traitement des adolescents. La littérature scientifique à ce sujet est bien maigre. On le déplore.

La psychologue clinicienne Anne Boisseuil a publié dans la revue Dialogue – Familles et couples (2012, no. 198) son article De jeu en je: l’utilisation du dessin chez un adolescent en thérapie. Disponible sur le site CairnInfo – Matière et réflexion, l’étude de cas ne présente malheureusement pas le dessin discuté et analysé dans l’article. Par ses multiples observations et les citations qu’elle offre, la psychologue nous fait tout de même pleinement réaliser que le dessin intervient comme un outil devenu essentiel et complémentaire au discours et à l’écriture dans le processus thérapeutique pour l’adolescent, comme il peut l’être chez l’enfant.

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Branches d’épinette et de pin. Yvon, 14, c1972. Source: CDIC-CIDE.org

Prête-moi ta plume

Les enfants dessinent, peignent, assemblent et construisent, mais ils écrivent aussi beaucoup. On demande souvent aux élèves à la petite école de décrire leurs dessins verbalement ou à l’écrit. Cette tâche peut paver la voie à une longue suite d’écrits personnels, que ce soit dans la bande dessinée, le journal personnel ou la poésie.

Les détaillants offent une panoplie de produits de type journal intime, ou carnet de voyage ou de projet, pour tous les goûts. C’est là un des cadeaux les plus significatifs et durables qu’un parent puisse offrir à son enfant. Nous aimons beaucoup comment Quo Vadis le présente et ce qu’ils en disent. Par ailleurs, découvrez les bienfaits de l’écriture personnelle dans le court article de Nathalie Rondeau publié en ligne par Mouvement santé mentale Québec.

Écrire sur soi ou pour soi, n’est peut-être pas pour tous. Soit. Écrire sur quoi que ce soit qui nous tient à coeur est toujours une bonne idée. L’écrire sur papier plutôt qu’à l’écran pourrait même rendre la chose plus mémorable et amusante quand viendra le temps d’y revenir dans le futur. Nous avons récement découvert la formidable Revue canadienne d’expo-sciences. Une publication hors pair qui démontre aux enfants qu’eux aussi peuvent écrire à propos de leurs projets scientifiques et leurs découvertes!

Le lapin rêve à un aigle, par Mathieu, c2000. Source: CDIC-CIDE.org.

On ne voit bien qu’avec le coeur

Grâce à leur propre persévérance et à celle d’enseignants, de thérapeutes et de décideurs, les personnes malvoyantes ou aveugles peuvent de plus en plus s’adonner à l’appréciation des arts visuels. Pas seulement en tant que spectateurs mais aussi comme créateurs. Plusieurs s’étonneront que ces personnes dessinent, et bien oui c’est le cas, avec un minimum d’adaption technique. Il peut même être assez intéressant de faire découvrir à toute la classe, les matériaux ou équipements utilisés, histoire de découvrir de nouvelles façon de faire, tout en alimentant l’empathie et l’inclusion à la communauté.

Un bon endroit pour s’initier à ces ces pratiques est le LMAC-MP ou Laboratoire de médiation en art contemporain en Midi-Pyrénées. Il s’agit d’un partenariat communautaire régional mené par une équipe professionnelle et dynamique. Leur Petit guide du dessin en relief rédigé par Nathalie Bédouin et Nathalie Muratet inspirera les éducateurs.

Si la recherche dans ce domaine vous intéresse, plongez dans la thèse monumentale défendue par Dannyelle Valente à la Sorbonne en 2012, et rendue accessible par le Centre pour la communication scientifique directe (CCSD) : Dessin et cécité : étude de la communication graphique des jeunes non-voyants. L’ouvrage est captivant et qui plus est, magnifiquement illustré. Les chercheurs qui illustrent bien leurs travaux sont nos préférés.

Dessin produit par M.L., non-voyante de naissance. Source: Valente, Danyelle. Dessin et cécité: étude de la communication graphique des jeunes non-voyants. HAL.archivesouvertes.fr. 8 février 2021.

Art-thérapie… numérique?

Vous avez peut-être déjà entendu des commentateurs ou des chroniqueurs parler de la pandémie en 2020, comme d’un accélérateur de changements déjà entamés ou d’un révélateur de phénomènes tels les inégalités sociales ou autre. Nous le vivons au quotidien depuis plusieurs mois maintenant. Le commerce en ligne, le commerce d’appareils électroniques, la connectivité, la télémédecine croissent à vive allure.

Il aurait été difficile de le prévoir, mais l’effet d’accélération risque fort d’avoir un impact important sur un champ de pratique qui, même si déjà en évolution, dégageait toujours somme toute l’aura artisanal de ses débuts, voire papier, crayons, toile, pinceaux, argile. On parle ici de l’art-thérapie, une pratique relativement récente dans le monde de la santé.

Publié en janvier 2020, un article des chercheurs Juliette Lasalle, Marie Charras et Laurent Schmitt ne pouvait tomber plus à point nommé : Outils numériques en psychiatrie et art-thérapie, quels points de rencontre possibles? Les auteurs y abordent des enjeux criant d’actualité pour les praticiens dans ce domaine. La lecture est enlevante pour tous, de par son retour succinct sur l’histoire de l’art numérique et celle de l’art-thérapie. Les jeux en ligne dont jeunes et moins jeunes raffolent sont discutés en soulevant les enjeux de l’accès aux technologies et de la relation patient-soignant.

Dessin au stylet sur Wacom Cintiq 13HD, par David Revoy. Source: Commons.Wikimedia.org, 1 décembre 2020.

Dans les bras de Morphée

Halloween arrive à grands pas, ainsi que l’heure de reculer l’heure. C’est certainement le temps de rendre la fête aussi normale, rigolotte et antivirale que possible pour les enfants et les proches. Ajoutons une touche 2020 qui s’impose cette semaine, en conviant tout le monde à réfléchir sur notre hygiène du sommeil.

En soirée, rassemblez la maisonnée pour une discussion ouverte sur les préparatifs et les habitudes avant d’aller dormir. Partager les préférences pour ce qui est du bruit ambiant, des écrans, de la température, des collations, des lits, des oreillers et du sommeil-même. Faites-en autant le matin, cette fois pour partager si le sommeil a été réparateur ou non, trop court ou juste assez long, et s’il y a des trucs pour mieux se réveiller le matin. Voyez si quelqu’un a rêvé et s’il se souvient des détails. Demandez-vous si tout le monde connaît la différence entre les cauchemars et les terreurs nocturnes. Demandez aux enfants de dessiner leur rêve de la veille. Nul besoin d’analyser outre mesure le résultat. Appréciez simplement l’inspiration qu’apporte le sommeil.

La lecture sur le sommeil ne manque pas. Une excellente source est sans contredit le site de la campagne de santé publique Dormez là-dessus. Cette campagne est menée par quatre organisme canadiens renommés. Pour une perspective historique sur le cauchemar, Alexandre Baratta, Luisa Weiner et Olivier Halleguen ont contribué un bel article dans L’Information psychiatrique (vol. 86, p. 73-78) en 2010, qu’on peut trouver sur le sur le site Cairn.Info.

Moi qui rêve, par Valérie, c1982. Source: CDIC-CIDE.

La fratrie se dessine

Que l’on soit parent ou educateur, c’est une bonne idée que de demander un dessin de la famille à un enfant de temps en temps, puis de s’y arrêter pour voir ce qu’il nous dit de sa relation avec ses frères et soeurs. L’image peut révéler des aspects de la vie émotive et social de l’enfant, que vous voudrez aborder avec lui, ou avec un autre adulte contribuant à son éducation.

La fratrie a parfois des rapports constants, presqu’ininterrompus (pensons aux jumeaux mais aussi à ceux qui vont à la même école) ou ne passe son temps qu’avec les parents, comme durant les repas, et n’ont que peu de temps ensemble, entre enfants. La différence d’âge, les affinités ou intérêts jouent sur les rapports, mais les circonstances, le style parental, la famille élargie et même l’aménagement intérieur peuvent chacun avoir un impact significatif sur la manière dont les frères et soeurs se comportent entre eux et grandissent ensemble.

Le dessin de la famille peut par exemple être utile lorsque maman est enceinte, si une soeur débute ou change d’école, ou suite à un changement majeur comme un déménagement, une séparation ou un marriage. Lorsque le dessin est terminé, voyez ce qu’y font les autres enfants, comment ils sont habillés et leur enplacement et leur grandeur sur la page, en lien avec l’enfant et le parent. Pour une lecture savante sur le sujet, consultez l’article de Christian Brassac et Marie-Claude Mietkiewicz qui ont demandé à Emma et à son frère Léo, de dessiner leur famille ensemble sur la même feuille. L’article a été publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, numéro 495.

Famille, par Emma et Léo. Brassac, Christian, et Marie-Claude Mietkiewicz. La production conjointe d’un dessin de la famille : une histoire interactionnelleBulletin de psychologie, vol. numéro 495, no. 3, 2008, pp. 245-255. Source: Cairn.info, 4 octobre 2020.
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