Leçon de science

Il fallait un artiste pour affirmer pour le premier que chaque enfant est un artiste. Il est facile d’imaginer un athlète affirmant que chaque enfant est un athlète parce qu’ils aiment courir, ou un ingénieur dire que chaque enfant est un ingénieur parce qu’ils aiment construire des digues après les averses. Pourquoi ne pas nous mettre d’accord qu’être ou ne pas être ceci plutôt que cela est propre à chaque enfant selon ses jeux?

Ce court article est au sujet d’enfants qui dessinent dans l’apprentissage des sciences. Un projet de recherche a appelé 23 enfants de 3-6 ans dans une classe de petite enfance à participer à une étude menée par trois chercheuses : Sabela F. Monteira, Maria Pilar Jiménez-Aleixandre, et Isabel Martins. L’article détaillé issu de l’étude a été publié dans Cultural Studies of Science Education (Vol. 19, pp. 295-315) et disponible en ligne chez Springer Nature: Cultural semiotic resources in young children’s science drawings.

Les chercheuses ont examiné deux ensembles de dessins d’escargots, fait à un mois d’intervalle durant trois ans. Elles ont sondé « quels sens les jeunes enfants communiquent-ils lorsqu’ils utilisent les outils sémiotiques, visuels et culturels, à leur disposition dans la salle de classe? » Les autrices ont bien du mérite pour avoir explicitement reconnu « qu’il fallait un regard panoramique sur le sujet à l’étude, en tenant compte de l’aspect social de l’expérience d’apprentissage dans son entièreté, en incluant les spécificités culturelles et le caractère dynamique de la réflexion des enfants. » Elles contextualisent ainsi merveilleusement bien leur travail selon les repères conceptuels et historiques, et donnent aux enfants, aux enseignants et à leurs interaction toute la place requise pour des observations approfondies. Elles saisissent pleinement le dessin comme un « processus social » dont le contenu est « transmis culturellement».

Images à l’appui, leurs observations sont nombreuses et importantes. Elles témoignent d’une progression d’images plus ou moins anthropomorphiques, souvent influencés par les média ou la littérature jeunesse, vers un mode plus réaliste fondé sur l’expérience. Elles décrivent les stratégies dont se servent les enfants pour mettre en valeur des parties physiologiques ou des composantes de leurs dessins qu’ils jugent importantes. L’impact positif des échanges verbaux entre les enfants et les enseignantes sur le projet est aussi observé. Enfin, le fait que les enfants apprennent à écrire et à lire durant le projet n’échappe pas aux chercheuses. Elles constatent que cet apprentissage influence la façon dont les enfants dessinent et comment ils disposent des éléments dans l’espace pictural.

L’équipe de recherche n’a pas affirmé que tous les enfants sont des malacologues, et on les applaudit pour cela.

Helix pomatia, ou escargot de bourgogne. Photo: Waugsberg. Source: Wikimedia, 2024.

Les enfants sur l’art et les artistes

On leur avait demandé de dessiner leur famille, leur animal domestique, une espèce menacée, la guerre, un scientifique, une façon de sauver la planète, et bien d’autres choses encore. Deux chercheuses polonaises leur ont demander de dessiner un artiste. Elles n’ont pas aimé ce qu’elles ont vu et entendu.

Małgorzata Karczmarzyk est professeure agrégée à la Faculté des Sciences sociales à l’Université de Gdańsk (Pologne). Dominika Szelągowska enseigne les arts visuels dans un lycée de la même ville. Les deux sont aussi artistes visuels

Leur article Artists in the Eyes of Children – Semiotic Analysis of the Meanings about Artists Constructed by Children a été publié dans la revue Kultura i Edukacja en 2018 (No.2, pp. 131-141). Projet de taille modeste, seulement 13 élèves de sept ans ont participé, dans une même région de la Pologne. Une entrevue individuelle a accompagné chacun des dessins réalisés. Nous aurions préféré que ceux-ci soient tous publiés avec l’article, plutôt que seulement deux d’entre eux.

Le plus intéressant dans ce projet sont les questions à l’étude:

  • Quels sens donnent les enfants de sept ans au mot “artiste”?
  • Selon les enfants, quelles qualités ou caractéristiques distinguent les artistes d’autres personnes?
  • Comment les media de masse influencent-ils l’image que les enfants se font de l’artiste?
  • Les enfants ont-ils tendance à aesthétiser leur representation de l’artiste?

Rare sont les chercheurs qui ont demandé aux enfants comment ils perçoivent les artistes et l’art. Chose surprenante quand on pense au lieu commun répété ad nauseam que chaque enfant est un artiste. Cette analyse est sans doute un apport utile à la littérature sur le sujet.

Toutefois, les autrices semblent plus intéressées à blâmer les pédagogues pour la notion étroite et stéréotypée qu’expriment les enfants, plutôt que de bien cerner ce que ces derniers ont à dire et les engager pleinement dans la discussion. On dirait qu’elles se sont carrément servies des participants pour appuyer leur thèse de départ en ce qui a trait à la nécessité d’un changement de cap dans l’enseignement des arts à l’école. Le béret dont un garçon coiffe son peintre est jugé stéréotypé. De même que le chevalet qu’une fillette place devant le sien. Elles nous invitent à “blâmer le manque de connaissance des enseignants en arts visuels, une sensibilisation déficiente dans le domaine, leurs propres préjugés, leur manque d’ouverture envers les pratiques contemporaines, et même leurs propres mauvaises expériences scolaires. »

Les autrices nous annoncent d’emblée qu’elles montent aux barricades lorsqu’elles préviennent que “le but ultime de leur recherché est d’acquérir les données qui permettront d’apporter des changements réels en éducation, précisément dans l’enseignement des arts. »

L’article aurait pu être écrit il y a un siècle, tant on y trouve le sempiternel débat qui oppose l’enseignement des techniques versus celui de la libre expression, les classiques contre les modernes, les artistes pédagogues contre les pédagogues des arts. Enfin, pour ce qui est d’aimer ou pas leurs réponses, il semble que tout dépend de qui pose la question aux enfants.

Ci-dessous, un dessin de notre collection. Réalisé par Rishi, il décrit des éléments formels graphiques utilisés en dessin. Un travail scolaire que sans doute les autrices citées dans cet article jugeraient prompt à transmettre une perception dommageable et trop étroite de l’art aux enfants.

Élements de l’art. Par Rishi, 2020. Source: CDIC-CIDE.

Canadiens recherchés pour… recherche

Appel aux résidents canadiens. Prenez part à une entrevue individualisée (en anglais) qui aidera à éclairer la connaissance des pratiques de préservation de l’art enfantin. Une équipe de chercheurs de la Research Shop de l’Université McMaster recrute des parents et grands-parents qui peuvent donner une heure de leur temps avant le 1er avril 2024. Suivez le code QR ci-dessous, ou utilisez ce lien pour donner votre nom.

L’entrevue se déroulera sur Zoom. Elle portera sur l’art et l’art enfantin. Les participants retenus recevront une carte cadeau de 25 $ pour leur participation. Un nombre limité de participants sera retenu selon les ressources disponibles. Le choix des participants par l’équipe de recherche vise à assurer un éventail de perspectives et d’expériences. Les personnes qui ne sont pas retenues pour une entrevue en direct pourront, s’ils le souhaite, remplir un questionnaire et ainsi partager leurs idées.

Pour plus de renseignements, communiquez avec le responsable du projet, Syed Mahamad (mahamads@mcmaster.ca, 905-525-9140 ext. 26804).

Si vous avez un babillard virtuel ou bien réel, vous nous aiderez en affichant cette petite affiche en format PDF, et ainsi faire passer le mot.

La Research Shop de l’Université McMaster est un programme volontaire au service des organismes publiques, parapubliques et communautaires à Hamilton. Le programme offre des occasions de recherches dans la communauté.

Nous tenons à remercier l’Office pour l’Engagement communautaire de l’Université McMaster de son appui à ce projet.

Pour l’éthique dans la recherche

Nous collectionnons et préservons des objets culturels créés par des enfants, et surtout nous les rendons disponibles pour la recherche et le public intéressé.  Nous croyons qu’il est important que les enfants participent à la conversation au sujet de ce qu’ils créent, de ce qui leur importe, et s’ils veulent ou non conserver ou partager leur patrimoine.

C’est pourquoi le conseil d’administration a récemment décidé d’appuyer publiquement et de promouvoir les principes énoncés dans la Charte international pour la Recherche éthique impliquant des enfants. Ce document a été élaboré par le Centre for Children and Young People at Southern Cross University, Australie, et le Bureau de recherche Innocenti de l’UNICEF. Plusieurs années ont été nécessaires et des centaines de chercheurs ont participé aux consultations qui ont permis la publication d’un abrégé disponible en ligne, en plusieurs langues.

Les recherches en sciences humaines utilisent de plus en plus des méthodes participatives, et le mouvement de la science ouverte ne cesse de prendre de l’ampleur. En même temps, les droits de l’enfant ne sont pas encore pas connus de tous, ni adéquatement soutenus partout dans le monde. Pour notre part, il nous importe que les personnes qui contribuent des objets à la collection, et ceux qui la consultent sachent que nous valorisons avant tout l’apport personnel de l’enfant et son bien-être.

Image de couverture de la Charte internationale ERIC. Source: Bureau de la recherche, UNICEF, 2023.
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